Mon dreamcatcher récup, ou comment j'ai retrouvé l'envie de créer

Ça durait depuis plusieurs semaines : j'étais en panne totale d'inspiration. Ou plutôt, j'étais en panne d'envie de créer, parce que des idées, j'en avais à la pelle. Mais rien de ce à quoi je pensais ne me donnais vraiment envie de créer. Je commençais et j'arrêtais. Ça ne marchait pas, ça ne me plaisait pas, ça n'allait pas. J'ai commencé au moins 15 projets que je n'ai jamais terminés. 

Et je ne comprenais pas pourquoi. J'ai toujours bidouillé plein de trucs, et ça a toujours "marché", dans le sens ou j'étais juste contente d'être en train de coudre / bricoler / griffoner... Je me foutais un peu du résultat, j'étais juste bien en train de créer et dans ces moments là, une guerre civile aurait pu éclater dans mon salon j'en aurais RIEN eu à cirer. 

Je me foutais pas mal de si ça plaisait ou pas. Je me foutais que ça ressemble ou pas à ce que j'avais imaginait.

Alors j'ai compris ce qui clochait ces derniers temps. 

J'ai arrêté de créer avec tout et n'importe quoi et ce qui me tombe sous la main, les matières que je trouve chouettes, les couleurs qui me plaisent. Je pense d'abord au résultat, je pense à tout sous toutes ses formes, aux meilleures combinaisons de couleurs et de matières, aux formes, aux coupes, et je me met une pression de dingue parce que EVIDEMMENT, rien de ce que je fait n'est comme ce à quoi j'ai pensé. Depuis que j'ai mon atelier et que je bosse en indépendant, j'ai tellement la pression d'arriver à faire quelque chose de bien que j'en oublie complètement l'essentiel : m'éclater et faire ce que j'aime. Parce que si je bosse en indépendant, c'est pour faire ce que je kiffe par dessus tout, quitte à crever la dalle. 

 C'est comme pour la photo : avant, j'avais un appareil vraiment, vraiment pourri. Et puis je me suis acheté un super reflex numérique, et à partir de ce jour, j'ai pris des milliers de photos et je n'ai pris que des mauvaises photos. Alors qu'avec mon vieux compact, j'en faisait des géniales. Parce que là encore, avec mon réflex, à force de penser à la technique, à la lumière, à la netteté et à tout ce qui je croyais rendrait ma photo "belle", je passais complètement à côté de l'essentiel.

Alors j'ai enfourché mon vélo et je suis allée à l'atelier, j'ai mis Pink Floyd à fond les ballons, j'ai ouvert mes placards, mes tiroirs et j'ai sorti TOUT ce qui me parlait. Tous les trucs que je trouvais jolis, drôles, dont les couleurs me plaisaient, sans penser à ce que j'allais en faire, si je pouvais en faire quelque chose, si ça irait ensemble, si j'en avais assez, si je ne devais pas le garder pour autre chose de plus important. J'ai tout pris et j'ai tout rassemblé. Et j'ai bidouillé pendant des heures et j'ai oublié tout le reste, j'étais juste à fond dans ce que je faisais. J'ai pas réfléchi, j'ai zappé la technique, le joli, le propre et j'ai juste pris ce qui était posé à côté de moi et que j'avais envie de rajouter.

J'ai donc fait un dreamcatcher, qui n'a rien d'exceptionnel, qui n'est pas plus beau qu'un autre.

Mais j'ai juste plané tout le temps de sa fabrication, je n'ai pensé à rien d'autre et j'étais BIEN, dans ma petite bulle. 

Ce n'est pas du tout ce que je fait pour vivre, il ne plaît qu'à moi et à mes potes d'atelier (mais c'est juste qu'ils trouvent tout fabuleux à partir du moment ou c'est fabriqué entre nos murs) et je l'aime, parce qu'il me ressemble et qu'il est tout ce qui me plaît : Il est un peu naïf et un peu sombre, il est fait de bric et de broc, complètement inutile, bancal, il risque de se casser au moindre coup de vent (ou au moindre rêve trop fort) mais putain, ça faisait tellement longtemps que je n'avais pas juste kiffé fabriquer quelque chose sans penser à ce que ça allait donner, sans me demander si ça allait plaire ou être beau!

C'est exactement comme le tatouage que j'ai fait quand j'ai eu 18 ans : pas très bien fait, aux couleurs passées, et je me demanderais sans doute dans deux mois ce qui m'est passé par la tête à ce moment là pour choisir de faire ÇA, mais jamais je ne regretterais de l'avoir fait, parce qu'à chaque fois que je le verrais, je me souviendrais de POURQUOI je l'ai fait. Que ce qui est intéressant, ce n'est pas le produit fini mais la raison pour laquelle on a commencé.